Les transports
Dès les XVIIe et XVIIIe siècle, l’aménagement du canal du Midi est à l’origine d’une première révolution des transports. Cet axe fluvial permet, en effet, d’accélérer le commerce du vignoble languedocien. Reliant deux régions aux complémentarités économiques que sont le Bas-Languedoc et le Haut-Languedoc, il permet l’acheminement des céréales du Toulousain vers la Méditerranée et les alcools du Biterrois vers Toulouse, impliquant un premier élargissement du marché.
Puis le canal subit la concurrence directe de la ligne de chemin de fer Bordeaux-Sète ouverte en 1857. Avec l’invention des wagons-foudres dans les années 1880, le chemin de fer se positionne comme la voie de transport la plus efficace pour la commercialisation du vin. Dès lors, le Languedoc connait, des la seconde moitié du XIXe siècle, une période exceptionnelle de prospérité qui concerne quasiment toutes les catégories sociales d’exploitants.
A la fin du XIXe siècle, le déploiement d’un réseau ferré local contribue au désenclavement du territoire, permettant la circulation de ressources complémentaires et participant à la nouvelle dynamique impulsée par le circuit commercial du vin : produits agricoles, cercles et châtaigner pour futailles descendent des hauts cantons vers la plaine qui les alimente en retour en farines, en fer et bien sûr, en vin.
La monoculture
Il faut attendre la moitié du XVIIIe siècle et notamment la liberté de plantation autorisée en 1759 par l’Etat, puis la libre circulation des vins en 1776, avant que le Languedoc viticole ne connaisse réellement son essor. Jusque là, la surface de production en vignes ne dépassait pas 20% des exploitations, le passage à une monoculture quasi-systématique, qui s’opère entre 1750 et 1850, est une véritable mutation agricole.
Le phylloxera
Le phylloxera, un petit puceron ravageur originaire des Etats-Unis, vient subitement interrompre la croissance du vignoble à la fin du XIXe siècle et, dans ce contexte de monoculture de la vigne, met à mal l’économie régionale. Observé pour la première fois en 1863 dans le Gard, il se propage ensuite d’est en ouest. L’infestation d’un pied de vigne entraine sa mort en 3 ans. Les conséquences sont graves et plongent le vignoble français dans une terrible crise.
La plaine du Biterrois et ses alentours ne sont touchés que plus tardivement, vers 1880. La chute de la production des autres régions fait leur richesse car il faut répondre aux besoins de consommation, eux, qui ne baissent pas. Lorsque le phylloxera atteint le territoire, la recherche a avancé et on connaît les remèdes.
Le vignoble doit être reconstitué avec des porte-greffes issus de plants américains naturellement résistants à l’insecte. Les étendues sont considérables, et face à ce travail titanesque, les exploitants sollicitent une main d’œuvre espagnole en renfort.
La crise de la fin du XIXe siècle
Pour faire face à une demande toujours croissante sont greffés les cépages productifs d’Aramon et de Carignan, destinés à faire « pisser la vigne » et à inonder le Midi. Le vignoble est alors pris dans une course au rendement pour faire face à une augmentation considérable de la consommation, notamment dans les milieux ouvriers et a Paris. Dans cette frénésie économique, la falsification des vins et la fraude s’installent : chaptalisation, coupage et mouillage des vins sont des pratiques répandues. On va même jusqu’a produire des vins artificiels (sans raisins frais) par l’usage de raisins secs ou encore de jus de sureau. Ce n’est qu’en 1889 que la Loi Griffe donne la définition légale du vin. Parallèlement, les vins d’Algérie commencent a s’exporter via le port de Sète, concurrençant directement la production régionale et déstabilisant le marche.
Des 1891, le Languedoc entre en crise de surproduction. Le cours du vin s’effondre. L’hectolitre est vendu 5 francs malgré un coût de revient de 8 francs. Les grands domaines résistent difficilement tandis que la ruine touche les petits propriétaires.
En 1884 est votée la loi relative à la création des syndicats professionnels ou loi Waldeck-Rousseau que les vignerons auront tôt fait de s’approprier pour assurer leur défense, car une véritable lutte sociale est en préparation face à des écarts trop importants entre d’une part les gros et les petits propriétaires, d’autre part face au poids des négociants, intermédiaires incontournables à l’époque pour la distribution du vin en vrac. En 1904, des premières grèves contre les propriétaires éclatent au château de Sériège à Cruzy, avant de toucher les communes voisines.
Cette crise, liée au déséquilibre entre l’offre et la demande, s’accentue au début du XXe siècle. Dans ce contexte, les revendications grondent, le Midi viticole est en colère et les premières initiatives de lutte vont, sur le modèle des fruitières du Jura (coopératives laitières), des coopératives céréalières du nord de la France ou encore des coopératives viticoles alsaciennes, vers le rassemblement et la mutualisation des moyens humains, économiques et matériels. Les premières coopératives de vente de vin sont alors créées en 1901.
Véritable phénomène social et politique en réaction au capitalisme qui a saisi jusque la le secteur viticole, le mouvement coopératif provoque une nouvelle mutation de l’organisation de la filière. Les vignerons, comprenant l’intérêt de cette mutualisation, dépassent le principe de la vente en gros pour constituer communément de nouveaux outils de production donnant accès à des installations et à du matériel moderne partagés par chaque adhérent. Ce sont donc des coopératives de vinification qui voient le jour dont les vignerons sont collectivement propriétaires, avec pour devise « Tous pour chacun, chacun pour tous ».